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26/01/21

Joseph Bialot



Emission: Psy - Nathalie Zajde

Aujourd’hui, Nathalie vous allez nous parler de Joseph Bialot, un célèbre auteur de roman policier, pourquoi lui ?

Nathalie Zajde : Parce que nous sommes la veille du 27 janvier

R.S. : Vous voulez dire la veille du jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz par l’Armée Rouge ?

N.Z. : Exactement.

R.S. : Et Bialot dans cette histoire ?

N.Z. : Eh bien Bialot a publié en 2002 son livre de témoignage intitulé C’est en hiver que les jours rallongent probablement l’un des textes les plus marquants, les plus justes, les plus forts et les plus originaux sur la déportation à Auschwitz et sur la libération des déportés. Le 27 janvier 1945, Bialot est l’un des 7000 déportés qui furent libérés par l’Armée Rouge alors que les Allemands avaient quelques jours auparavant évacué le camp, embarquant les dizaines de milliers de survivants qui pouvaient encore tenir debout dans les terribles marches de la mort, en direction de l’ouest, pour échapper aux vainqueurs. En janvier 1945, Joseph Bialot, de son vrai nom Joseph Bialobroda, est âgé de 21 ans. Il vient de passer 6 mois à Auschwitz, dont les derniers temps dans un block pour malades destinés à mourir.

Bialot était né à Varsovie, en Pologne, et avait émigré en 1930 à Paris à l’âge de 7 ans avec ses parents, à Belleville exactement, là où vivait une importante communauté de juifs polonais. Il est déporté le 11 Aout 1944 par le convoi numéro 78, le dernier convoi qui quitte la France pour Auschwitz Birkenau.

Il rentrera de déportation après un périple de plusieurs mois, travaillera avec ses parents dans les shmates et ce n’est qu’à l’âge de 54 ans qu’il publie son premier roman, salué de suite par la critique et récompensé d’un prix littéraire prestigieux. Bialot publie plusieurs dizaines de romans policiers. Et ce n’est qu’à la fin des années 1990 qu’il se décide enfin à écrire, à raconter ce qu’il a vu et vécu. Son texte est prodigieux.

R.S. : Qu’est-ce qui le motive aussi tardivement à écrire son témoignage ?

N.Z. : Dès les premières pages, Bialot pose le décor. On est au mois de janvier, il est devant sa TV, il regarde les info, il est question de la Shoah et il reconnaît les bâtiments du camp d’Auschwitz, mais dit-il quelque chose le trouble ; ce sont ces arbres, ces immense arbres, il ne les avait jamais remarqués ; y avait-il des arbres à Auschwitz ? Il prend son téléphone, appelle une amie, ancienne déportée, lui fait part de son étonnement, elle lui répond, « Que veux-tu ? Les arbres ont poussé après notre mort. »

Vous remarquez quelque chose, non ? Elle dit « après notre mort », alors qu’ils ne sont pas morts… Peut-être sont-ils morts, ou bien … quoi …?

C’est là qu’il décide d’écrire sur sa déportation bien qu’il se demande à quoi cela peut bien servir. Il écrit : « tout le monde écoute, personne n’entend. »

R.S. : C’est fort ! C’est presque une condamnation ! Mais dites-moi Nathalie, qu’est-ce que ça veut dire, « tout le monde écoute et personne n’entend » ? Qu’est-ce que nous n’entendons pas ?

N.Z : C’est précisément toute la question Rudy: nous, qui n’avons pas été déportés, qu’est-ce que nous ne sommes pas capables de saisir ? Qu’est-ce que Bialot souhaite qu’on puisse entendre?

On trouve la réponse à cette question dans la réflexion de sa camarade déportée, et tout au long du texte sublime de Bialot : les déportés sont déjà morts, plusieurs fois même, alors qu’ils ont l’air d’être comme tout le monde, vivants. Bialot insiste dans son récit, et c’est en cela qu’il est exceptionnel, il montre comment les déportés sont devenus des êtres d’une autre nature, d’une nature hors du commun, d’une nature à nul autre pareil.

Pour les aider à revenir dans le monde des vivants, pour les entendre comme le demandait Joseph Bialot, il aurait fallu non seulement admettre que des êtres humains soumis à des situations extrêmes changent de nature, meurent et rivent, mais il aurait fallu également offrir une place singulière à ceux qui les accompagnaient, les fantômes avec lesquels ils étaient revenus. Bialot est décédé en 2012, il nous a laissé des polars succulents et un immense livre : C’est en hiver que les jours rallongent.

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