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12/01/21

Tehila



Emission: Psy - Nathalie Zajde

 Aujourd’hui Nathalie, vous nous parlez de Tehila, un conte de Shay Agnon, le célèbre auteur en langue hébreu, prix Nobel de littérature. De quoi s’agit-il ?

 L’histoire se passe dans les ruelles de Jérusalem, au début du siècle dernier. Le narrateur y croise Téhila, une très vieille femme au comportement hors du commun. Elle a plus de 100 ans.  Elle parcourt la vieille ville à pieds, en faisant le bien partout où elle passe. Mais on ne sait pratiquement rien d’elle, à part qu’elle vient de Pologne, qu’autrefois elle a été très riche, qu’elle est veuve depuis longtemps, qu’elle a perdu ses enfants quand ils étaient petits, qu’elle n’a donc pas de descendance et qu’aujourd’hui elle vit dans le plus grand dénuement. On ne sait rien car elle refuse de parler, de raconter son histoire qu’on devine si singulière et de plus, tous ceux qui l’ont connue dans le monde d’avant, c’est à dire dans sa bourgade en Pologne, sont aujourd’hui décédés. Cela veut dire qu’il n’existe plus de témoins de sa vie passée. Cela signifie aussi que lorsque Téhila va mourir, elle emportera dans sa tombe son secret et un pan de la vie des juifs de Pologne. Mais le narrateur de cette nouvelle, que je devine être Agnon lui même (comme Téhila, il était originaire de Pologne et avait choisi de vivre en Eretz Israel) ne lâche pas l’affaire. Il mène l’enquête et parvient à force de constance et de bienveillance, à obtenir son récit, à peine quelques heures avant que Téhila ne décède.

Nathalie, dites nous, en quoi cette histoire nous concerne-t-elle ?

 Ce qui m’a frappé en lisant Téhila, c’est que précisément la quête du narrateur est l’une des principales préoccupations des nouvelles générations qui sont nées dans l’émigration, après la disparition de l’ensemble des communautés juives  – disparition advenue dans des conditions plus ou moins dramatiques – les communautés européennes dans la Shoah, les communautés africaines et moyen-orientales au moment des indépendances.

Figurez-vous cher Rudy que  je reçois régulièrement des personnes qui viennent en entretien avec des photos, sur lesquelles figurent des visages dont elles ne savent rien. Mais dont elle supposent qu’ils sont des proches, des parents. Qui n’a pas chez lui ce genre de photo ?

Comment faire pour mettre un nom sur ces visages ? Pour connaître quels ont été leur mode de vie, leur lieu d’habitation, leur obédience politique et religieuse, les événements qui ont marqué leur existence.

Et combien sommes nous à penser que nous ne le saurons jamais car, comme dans le cas de Téhila, la génération qui a connu les nôtres sur leur terre d’origine, n’est plus vivante.

Alors Nathalie, que pouvons-nous faire?

Mon conseil  est le suivant : nous qui sommes tous des survivants ou des descendants de survivants de mondes juifs disparus, suivons l’exemple du narrateur de Téhila : avant qu’il ne soit trop tard, menons l’enquête auprès d’un proche, faisons-le parler et fixons son histoire dans un récit, que nous pourrons à notre tour transmettre à la génération suivante.


 

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