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09/02/21

Le traumatisme en thérapie



Emission: Psy - Nathalie Zajde

Aujourd’hui, Nathalie, vous allez nous parler de la nouvelle série diffusée sur Arte, En thérapie, une adaptation de la fameuse série israélienne BeTipul et plus particulièrement du traumatisme psychique. Nathalie Zajde : La série se passe dans le cabinet d’un psychiatre psychanalyste, chaque épisode dure 25 minutes, une séance en temps réel. Les patients sont une chirurgienne amoureuse de son psy, un policier qui ne comprend pas à quoi peut bien servir la psychothérapie, un couple en crise à l’occasion d’une grossesse tant attendue, une adolescente hystérique et suicidaire, etc. Et le point commun qui réunit tous ces protagonistes, y compris le psy, c’est un événement : les attentats islamistes du 13 novembre 2015 à Paris. Autrement dit, patients et psy souffrent tous de traumatisme psychique.

R.S. : Et c’est quoi exactement un traumatisme psychique ?

N.Z : Le traumatisme est une maladie psychologique induite par un événement de vie particulièrement violent. Il s’agit toujours d’un événement au cours duquel le sujet a côtoyé la mort ou des morts; un accident de la route, un viol, une relation violente, un mouvement de foule qui tourne à la panique, une guerre, une catastrophe naturelle, etc… Les patients disent souvent : à ce moment là, j’ai pensé que j’étais mort.

R.S. : Peut-on dire que depuis, ils ne vivent plus vraiment ?

N.Z : C’est en tous les cas ce dont les psychotraumatisés se plaignent. Ils disent tous qu’ils ne sont plus les mêmes depuis l’événement traumatique. Comme s’ils avaient changé de nature, comme s’ils avaient été métamorphosés par la violence de l’événement. Pour eux, il y a un avant, en mouvement, et un après, figé, mort.

R.S. : De quoi souffrent-ils exactement? Quels sont leurs symptômes ?

N.Z. : Ils se plaignent de ne plus pouvoir se concentrer intellectuellement, de ne de plus pouvoir faire l’amour, d’être devenus phobiques des transports en commun, de ne plus pouvoir travailler comme avant, de ne plus trouver le repos ; ils sont irascibles avec leurs proches ; ils ont perdu l’insouciance, ils ont des peurs, des angoisses apparemment immotivées, que les autres autour d’eux ne comprennent pas, qui sont évidemment reliés à l’événement traumatique.

Les amis, les parents tentent de les rassurer : ils leur disent : c’est fini ! tu n’as plus de raison d’avoir peur, d’être sur tes gardes, ton violeur a été arrêté, il est en prison il ne pourra plus revenir ; les nazis ont perdu la guerre, les camps ont été libérés, ils n’existent plus… Mais cette femme laissée pour morte par son violeur dans le parking de son immeuble continue, des années après à sentir la sueur de son agresseur, à avoir mal au bas-ventre et dans le dos, comme si le poids de son violeur s’était inscrit dans son corps ; ce survivant des camps, continue des dizaines d’années après, chaque nuit dans ses cauchemars, à être battu à mort, à être poussé vers l’entrée de la chambre à gaz, tandis que son kapo lui hurle dessus, et il se réveille en sursaut chaque nuit vers 4 heures du matin ; cet enfant guinéen, exfiltré en France après le massacre au grand stade de Conakry en septembre 2009, continue 10 ans après, à des milliers de kilomètres pourtant, à ne pouvoir entrer dans un stade sans se mettre à trembler et à transpirer, et à revoir les scènes de tuerie abominable desquelles il a miraculeusement réchappé.

RS : Comment expliquez-vous cette terrible permanence ?

N.Z. : Pour la comprendre, je vous propose de définir la singularité de cette psychopathologie par la notion de capture. Les patients traumatisés ont été capturés dans les filets de leurs agresseurs, leur âme a été kidnappée. Ils ne s’appartiennent plus et leur maladie indique qu’ils n’ont toujours pas été libérés malgré les apparences ; que cette agression est toujours active, qu’elle n’a pas encore été neutralisée, qu’elle continue son œuvre. Comme si l’intention de l’agresseur flottait toujours. R.S. : Et comment guérir d’une telle capture alors, comment les en libérer?

N.Z. : En nous intéressant avant tout à l’événement, à l’agression elle-même, à son déroulé, à toutes ses composantes et surtout : à l’intention de son bourreau. Ce qui fait que le sujet ne s’appartient plus, c’est précisément ce que voulait lui prendre son agresseur : la féminité de la femme violée qui depuis, n’ose plus avoir une relation amoureuse ; l’identité juive du survivant de la Shoah qui ne sait plus comment être juif ; L’appartenance ethnique du jeune survivant peul de Guinée qui depuis septembre 2009 est trop fragile pour se relier aux siens.

Un psy qui soigne un psycho-traumatisé, qui fait revenir à la vie un survivant, doit tout savoir de son agresseur, et connaître l’événement traumatique aussi bien, peut-être même mieux que ne le connait la victime

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