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Emission: Tech - Stéphane Zibi
Quand les datas s’invitent dans un match de football, de tennis, de rugby ou aux étapes du tour de France cela prend différentes formes plus ou moins détectables ou avouables. Au fil des années, nous nous sommes habitués à toujours plus d'images, plus de directs et à une proximité à l’action époustouflante. Nous sommes tenus en haleine. Pour notre grand plaisir, il n’y a pas un but, un essai ou un arrêt de gardien, une belle action ou un service qui ne puissent nous échapper. Mais également tout est scruté décortiqué analysé.
Sans que nous en ayons pleinement conscience, la technologie a envahi le monde du sport professionnel. Elle nous offre des retransmissions exceptionnelles, des commentaires précis pendant les matchs mais également une multitude de statistiques : statistiques sur le nombre de points, de passes décisives et de rebonds, la possession de balles, les km parcourus, ou les zones préférentielles de tel ou tel joueur.
Les commentateurs se transforment même en prédicateurs. S’appuyant sur une base de données d’archives de matchs avec de l’intelligence artificielle, ils prévoient l’issue de telles ou telles actions ou du match lui-même et cela en direct. Encore plus surprenant, sur Canal+ , les chroniqueurs se lancent dans des débats sans fin sur la statistique du nombre de buts estimés c’est-à-dire une comparaison entre la réalité du match joué et ce qu’il aurait pu être statistiquement.
Rudy : vous êtes en train de nous dire qu’il y a beaucoup de données dans les matchs, peut-être trop maintenant ?
Oui je le pense Rudy, car cela peut avoir un impact sur un match lui-même, sur l’esprit du jeu et sa qualité. Et pour être franc c’est déjà le cas dans les sports les plus médiatisés. Je m’explique. Les joueurs portent sur eux des capteurs GPS qui fournissent toujours plus d’informations pour les staffs et entraîneurs. Les séances vidéos deviennent presque plus importantes que les séances d'entraînement physique.
Les statistiques sont présentées comme une vérité, comme un argument à la qualité du match d’un joueur.
On peut regretter et craindre que les résultats de ces statistiques prennent une telle importance dans le classement des joueurs et de leurs performances. Et la dérive ne s’est pas fait attendre. Ainsi pour augmenter leurs % de passes réussies, certains joueurs préféreront assurer des passes courtes, vers l’arrière ou latérales sans risque et cela au détriment du match. Il est ainsi très facile pour un joueur de réussir 95% de passes. Mais est-ce que cela veut dire que le joueur a réalisé une bonne prestation ? Non pas obligatoirement. Ce joueur sera surement mieux coté, il obtiendra peut-être un meilleur transfert, une meilleure note dans le jeu vidéo FIFA mais pour combien de temps avant que la supercherie ne soit évidente. Aujourd’hui, les joueurs n’osent plus. On étouffe leur instinct. Ils savent que leur image est dépendante de ces fameuses statistiques. On leur rabâche à coup de chiffre quelle tactique à le plus de chance de réussir, d’où tirer, quoi tenter… on les robotise.
Espérons que cela s’arrêtera là. Sans prise de risques, sans folie, sans éclair de génie, le sport devient triste et prévisible. A trop calculer et analyser ne risque-t-on pas de tuer la beauté du jeu ?